Cahier de colère

Ma fille a décidé de commencer un "cahier de colère". C'est un cahier dans lequel elle se propose de consigner toutes les colères qu'elle a, les doléances, etc.

"Quand on en parle avec quelqu'un", dit-elle, "c'est pas pareil. On les ressasse."

L'idée m'a séduite.

 

Et vous, qu'en pensez-vous?

Comments

[Lise]

Je reviens sur cette expression : "comme une petite fille sonnée de découvrir ce que peut être la réalité"



"La réalité peut dire non à mon désir de vie" constate la petite fille .

A ce moment là deux attitudes sont possibles:

- soit on rumine mentalement accroché au désir insatisfait et la colère monte.

( la vie veut sortir et toutes les issues sont fermées )

- soit on rumine en mâchant lentement chaque mot pour le dissoudre et l'énergie nous nourrit.

( la vie se répand et nous nous ouvrons au monde à travers nos sens )

[Ambre Neige]

Lise, je repense à une autre chose, une des premières fois que mon père m'a empêchée de sortir (pour passer quelques heures avec celui qui deviendrait par la suite le père de mes filles), je m'étais coupé les cheveux à coups de ciseaux avec rage. Je m'en suis souvent pris à mes cheveux quand j'étais en colère ;-)

[Lise]

quand tu te trouves dans une situation où tu es en colère, comment réagis-tu?



A ce jour lorsque mon esprit se heurte au monde et dans le trouble émotionnel qui s'en suit, je sens une part de moi même attirée dans une spirale qui peut être colère ou tout autre mouvement d'humeur y compris les joies.

C'est instantané, puissant, apparemment incontrôlable, hors d'atteinte rationnelle et cela prend toute la place en une fraction de seconde colorant mon existence avec le ressenti d'une tâche qui vient se répandre sur la Vie, si vivante elle même que tout lui est subordonné .



Une autre partie de moi même observe le phénomène monter, se stabiliser et décroître. Cette partie n'est pas affecté par les conditions de vie, les circonstances extérieures, n'est pas ébranlée par le monde tout en étant de ce monde.



Une petite phrase vient souvent accompagner ce vécu :

elle fut tout d'abord sous la forme " je mérite mieux" puis rapidement se transforma en " la Vie en moi mérite mieux ".

C'est une manière de reprendre contact avec la Joie, cette paix du coeur qui vibre en résonance avec " je suis " ( Etre ).



Pourquoi une telle phrase?

Parce que en général quand le monde nous blesse nous pensons " je mérite mieux que ce qui m'arrive".

En faisant un pas en arrière, en observant ce qui se passe vraiment dans l'instant, du point de vue de l'élan vital confronté aux croyances limitatives, la deuxième partie de la phrase n'a plus de sens puisque je me vois l'auteur/acteur de "ce qui m'arrive".

C'est un rappel à soi.



"la Vie en moi mérite mieux " ne signifie pas "elle mérite mieux que la colère" .

Ce n'est pas un jugement de valeur émis par le mental, mais la tentative de connexion par le coeur avec la force vitale en soi, bloquée dans l'objet de la colère et qui est à libérer comme un animal prisonnier d'une cage étroite aux barreaux faits de nos peurs.

[Lise]

- Prendre contact avec l'énergie en nous qui nous permettrait de ne pas être en colère?

Non, pas vraiment, car ce n'est pas pour ne pas être en colère que l'ont tente de prendre contact avec la colère.. on est toujours dans la volition, le mental.



Il y a une énergie à l'oeuvre, la sentir, prendre contact avec l'énergie c'est quitter automatiquement l'objet de la colère, c'est le même principe que saisir ou lâcher un objet, on ne peut faire les deux en même temps.

C'est prendre conscience, sentir en soi " ce qui gronde" sans jugement et à bonne distance pour ne pas s'identifier à " je suis en colère".

C'est sentir la différence entre " la colère est en moi" et " je suis en colère ".

Corporellement cela se traduit par une détente.



La deuxième partie de l'expérience est essentielle et à trait à l'attention, à la manière de diriger l'attention" tout en restant en Désir d' Amour."

C'est sentir " la colère est en moi" en compassion et en ouverture vers l'inconnu.

Car ce que porte cette énergie nous est inconnu, nous en sommes ignorants, notre projection sur ce qui nous blesse nous empêche de voir ce qui peut nous sauver.



Je tente là de décrire ma manière personnelle de traverser la colère.

Ce que je peux en dire est forcément limité aux mots que je trouve pour le faire mais cela me paraît si important que je tente le partage dans l'espace ouvert par ce sujet.

[Lise]

Mettre en mots ce qui gronde en nous me semble salutaire dans le sens du recul que cela implique face à l'émotion.

Mais l'attention doit être tournée vers l'observation du phénomène et non la préoccupation du problème.

Tout ce qui ne va pas au dehors n'est là que pour nous renseigner sur l'état du dedans, sur la limite qui est la notre afin de la dissoudre. C'est un travail solitaire et constant,ce cahier peut y aider s'il devient un outil de présence à soi.

" La vraie joie est sereine " nous rappelle Sénèque .



Pour ma part je me suis rendue compte que toutes mes colères pointaient en direction d'un manque d'amour ressenti comme une agression extérieure et en fait n'étaient le résultat que d'une incapacité intérieure du moment à vivre l'union avec ce qui se manifestait.

Je suis en ce sens en accord avec Ella, "le mieux c'est de ne pas se mettre en colère". Cela ne veut pas dire nier sa colère, la refouler en disant " je ne dois pas me mettre en colère" mais prendre contact avec cette énergie en nous qui dit " ce qui est ne devrait pas être" tout en restant en Désir d' Amour.

Dès que nous sommes assez aimants pour nous aimer en colère ( ce qui est différent de se donner raison ) nous la voyons se dissoudre avec l'objet de sa venue.



"Quand on en parle avec quelqu'un", dit-elle, "c'est pas pareil. On les ressasse."

C'est capital à mon sens cette prise de conscience que la parole est agissante.

En fait en parlant, dans ce qu'on appelle un échange, on est souvent dans un monologue qui ravive en nous et chez l'interlocuteur une vieille blessure.

Parler apparemment soulage mais en profondeur cristallise et alimente le manque.

L'étape du cahier permettra peut être à la parole de venir alimenter le plein lorsque la discussion pourra porter sur la dissolution des blessures en chacun.



Tel est le souhait que je formule pour vous.



Lise